En l’honneur de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation qui a lieu le 30 septembre, nous partageons l’histoire du cheval spirituel ojibwé (article en anglais), aussi appelé le poney autochtone du lac La Croix.
Nous vous présentons donc un article intitulé ‘Ojibway spirit horses gallop into view: Everything you need to know about the eight unique spirit horses at Ottawa’s Mādahòkì Farm‘ (Poney au galop à l’horizon : Tout ce que vous devez savoir sur les huit chevaux spirituels uniques de la ferme Mādahòkì située à Ottawa) de Canadian Geographic. Le présent texte est une traduction. En cas de différence entre la version anglaise et la version française, la version anglaise prévaut.
PAR ROBIN ESROCK (article en anglais sur Canadian Geographic)
Les chevaux spirituels de la ferme Mādahòkì présentent tous des caractéristiques uniques et une personnalité qui leur est propre
Source : Robin Esrock
Nul besoin de posséder des connaissances approfondies dans les sports équestres pour prendre la mesure des huit chevaux extraordinaires qui broutent le foin d’odeur estival de la Ceinture de verdure de la capitale nationale. Il suffit d’aimer les histoires. Et celle-ci se révèle très intéressante.
Vers la fin des années 1400, les peuples espagnols ont introduit les chevaux et les poneys en Amérique du Nord. Quelques années plus tard, l’animal s’est vu attribuer un rôle clé dans l’histoire de la conquête et de l’exploration du continent ainsi que du transport et de l’agriculture qui y étaient pratiqués. Bien que plusieurs croient que le fougueux mustang est un cheval indigène sauvage, il n’en est rien. En effet, cette race légendaire possède des origines espagnoles. Et qu’en est-il du troupeau de chevaux sauvages vivant sur les plages sablonneuses de l’île de Sable ou des poneys en liberté d’Assateague? Eux aussi possèdent des gènes espagnols. Selon le Smithsonian Magazine, [TRADUCTION] « les chevaux autochtones ont déjà vécu en Amérique du Nord, mais ils sont disparus il y a plus de 10 000 ans ». C’est bien ce que racontent les livres d’histoire. Mais c’est faux.
Sweetgrass et Cedar, deux des chevaux spirituels vivant à la ferme Mādahòkì.
Source : Orange Horse Studio
À l’arrivée des peuples espagnols, une race indigène de chevaux vivait bel et bien en Amérique du Nord. Un animal timide, plus petit et plus velu que nos chevaux actuels, bien adapté à son environnement, et présent dans les légendes depuis des millénaires. Les communautés autochtones n’ont jamais songé à utiliser ces chevaux comme des outils. Elles les considéraient plutôt comme étant dotés d’un esprit puissant et agissant comme des enseignants, voire des guides. Quant à eux, les colons n’y voyaient que des ravageurs — dociles, mais inutiles — qui dévastaient les champs. Le cheval spirituel ojibwé, aussi connu sous le nom de poney du lac La Croix, a été chassé jusqu’à sa disparition, puis évincé des livres d’histoire. Aujourd’hui, grâce à l’acharnement obstiné d’une artiste anichinabée et d’adeptes de chevaux, à une audacieuse mission de sauvetage nocturne (articles en anglais), et aux ambitions d’une pionnière du tourisme autochtone, cette merveille autochtone de l’Amérique du Nord revient enfin au galop.
[TRADUCTION] « Tout être vivant possède une force spirituelle », affirme l’ambassadrice culturelle Maggie Downer, en présentant fièrement les 164 acres sur lesquels s’étend Indigenous Experience de La ferme Mādahòkì (article en anglais). En route vers l’enclos des chevaux, elle explique que les plantes, la terre, les humains et les animaux forment un cercle, et non une pyramide hiérarchique. Ce mode de vie s’inscrit dans l’ADN de la ferme Mādahòkì (qui signifie « partager la terre » en anichinabé), et a permis de créer un espace culturel, éducatif, événementiel et de réconciliation unique qui est né des cendres de l’ancien édifice de l’entreprise touristique sur l’île Victoria. Ce centre culturel a été détruit par un incendie criminel en 2010, avant d’être reconstruit et détruit par un second incendie criminel en 2014. La ferme Mādahòkì a donc ouvert ses portes à l’automne 2021 sur le chemin West Hunt, près du centre-ville d’Ottawa, avec pour mission d’élargir la vision de Trina Mather-Simard, fondatrice et pionnière du tourisme autochtone. En effet, c’est après avoir entendu à la radio de CBC une entrevue avec l’artiste visuelle anichinabée Rhonda Snow, que Mme Mather-Simard s’est sentie inspirée et s’est engagée à transporter quatre chevaux spirituels ojibwés à Ottawa, avant de dénicher cette terre.
Rhonda Snow a grandi dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Depuis l’âge de 11 ans, elle entendait des légendes sur les chevaux spirituels ojibwés. Curieuse d’en apprendre davantage, elle a parcouru le pays, y compris l’Île de la Tortue, afin de recueillir les récits des aînés et aînées de même que des collectivités. Une légende raconte comment trois chevaux ojibwés sont parvenus à protéger des enfants qui s’étaient cachés dans une école pour échapper au personnel du pensionnat. Une autre relate que chaque hiver, les pêcheurs métis faisaient équipe avec les chevaux pour sortir le poisson des lacs gelés, et que ces mêmes chevaux erraient librement dans la forêt tout l’été.
Le traitement que les colons réservaient aux chevaux ojibwés s’apparente grandement à celui qui attendait les peuples autochtones du Canada. Un rapport des Affaires indiennes a qualifié les chevaux de [TRADUCTION] « petits poneys inutiles dont il faut se débarrasser ». Bien qu’ils étaient les seuls chevaux indigènes du continent — et en dépit de leur rapidité, leur force et leur endurance —, les éleveurs et éleveuses n’y voyaient qu’un animal nuisible à faire disparaître. Malgré leur importance culturelle et leur valeur en tant que compagnons autochtones et alliés spirituels, les chevaux ont été chassés et utilisés pour faire de la colle ou de la nourriture à chien, avant de sombrer lentement dans l’oubli. En 1977, les autorités canadiennes ont ordonné l’élimination des quatre derniers chevaux ojibwés au Canada. Dans un scénario digne d’un film de Disney, une opération de sauvetage nocturne a permis à ces survivants de traverser clandestinement la frontière américaine pour être mis en sécurité.
Trina Mather-Simard a acheté les chevaux spirituels de la ferme Mādahòkì avant même d’avoir un endroit où les loger.
Source : Robin Esrock
Trina Mather-Simard, fondatrice de la ferme Mādahòkì et pionnière du tourisme autochtone, avec quelques chevaux de la ferme.
Source : Robin Esrock
Après des décennies de recherches exhaustives, Rhonda Snow a finalement mis la main sur les quatre dernières juments ojibwées au Minnesota. Bien qu’elles aient été croisées avec des mustangs, les juments ont conservé certaines caractéristiques physiques typiques des chevaux ojibwés, et sont donc bien adaptées à la vie dans les forêts boréales denses de l’Ontario. Elles ont donc des oreilles velues qui gardent au chaud, un rabat nasal supplémentaire pour prévenir les engelures en hiver, des rayures dorsales, une crinière nouée et des rayures tigrées sur les pattes. Après avoir rencontré plusieurs difficultés, Mme Snow était fière de transporter les juments à son ranch de Fort Frances, en Ontario. De plus, le fruit de ses recherches sur l’ADN et sur l’histoire du cheval a permis la constitution récente de la Ojibway Horse Society dont la mission est de créer une souche qui permettrait de réintroduire la race en voie de disparition sur sa terre natale. Pour ses efforts dans l’ensemble de ses réalisations, Mme Snow a reçu un prix d’excellence de la part de Rare Breeds Canada, un organisme qui vise la préservation du bétail patrimonial au pays. Mais le cheval spirituel ojibwé n’est pas tiré d’affaire pour autant. Il est en danger critique d’extinction. Il ne reste qu’environ 250 poneys dans le monde, y compris les huit chevaux de la ferme Mādahòkì que j’ai sous les yeux. Mme Downer m’invite à entrer dans l’enclos pour rencontrer l’un des tout derniers membres de la famille.
Mme Downer m’invite à entrer dans l’enclos pour rencontrer l’un des tout derniers membres de la famille.
Source : Robin Esrock
Giizhik (Cedar), née au printemps 2022, taquine l’herbe dans ma main sous le regard de sa mère, Wishkossiwiki (Sweetgrass). Mme Downer me présente fièrement chaque animal comme s’il était un proche parent. Migzi (Eagle) est enjoué et bruyant, et avec ses traits ojibwés évidents, il demeure un étalon très recherché dans la communauté d’élevage de chevaux ojibwés. Gwiingwiishi (Grey Jay) est calme et doux, et il motive souvent les plus jeunes. Kitagokons (Fawn) est la fière mère de plusieurs poulains, et elle aime être le centre de l’attention. Stanji est très doux et endurant, tandis que Mukaday-Wagoosh (Black Fox), le plus vieux membre du troupeau, est vigilant, protecteur et considéré comme le chef de la famille. Tous les chevaux sont identifiés sur une grande affiche près de l’enclos, et tout le monde peut visiter la ferme et interagir librement avec eux. Curieux et faciles à vivre, ce sont des chevaux de thérapie idéaux. Plusieurs d’entre eux ont aussi été entraînés à l’équitation.
Mme Mather-Simard regarde les chevaux, les yeux rayonnant de fierté, comme une mère regarde ses rejetons. Elle-même d’origine ojibwée, et mère de deux filles passionnées de chevaux, Mme Mather-Simard a acheté les chevaux avant même de savoir où les loger. Puis, après qu’elle ait déniché par hasard un ancien espace d’activités en très mauvais état, la collectivité s’est mobilisée pour nettoyer rapidement l’endroit et y introduire des lits traditionnels de tabac, de légumes et de cèdres, des élevages d’animaux de ferme comme des porcs, des chèvres, des moutons et des lapins, ainsi qu’une superbe boutique de cadeaux autochtones. Un sentier patrimonial d’un kilomètre a également été aménagé. Il sera bordé de pierres de réconciliation — des roches peintes de couleur orange sur lesquelles les visiteurs et visiteuses de la ferme Mādahòkì peuvent inscrire à la main un souhait et signer leur nom.
La ferme, qui comprend une scène, une salle, un jardin, une écurie et des tables de pique-nique, a déjà accueilli une variété d’événements, y compris un festival autochtone gratuit en l’honneur du solstice d’été qui a attiré 30 000 personnes, ainsi que des rassemblements plus intimes tout au long de l’année. Après de nombreuses années parsemées de défis et de peine, l’avenir s’annonce prometteur pour la ferme Mādahòkì et les chevaux spirituels ojibwés. [traduction] « Lorsque j’ai entendu parler des chevaux pour la première fois, je savais qu’ils devaient faire partie de notre histoire et de la façon dont nous la racontons », explique Mme Mather-Simard.
https://canadiangeographic.ca/articles/ojibway-spirit-horses-gallop-into-view/
La ferme Mādahòkì à la rescousse des chevaux ojibwés | Tout inclus (radio-canada.ca)