La page Instagram Black Equestrians contribue à deux éléments vitaux : la représentation et la justice sociale au sein de la communauté

Une image vaut mille mots. C’est une fenêtre qui s’ouvre sur un monde nouveau. Jeaneva « Jen » Spencer se rappelle qu’enfant, elle aimait regarder de belles photos de chevaux dans un livre grand format. C’est ainsi que sont nés son amour et sa passion pour le sport équestre, encore bien vivants aujourd’hui.

Les photos ont également servi de catalyseurs au mouvement social qu’elle a lancé sur Instagram à l’été 2020, à la suite du décès de George Floyd : la page Black Equestrians. Sentant qu’elle devait agir, Jen a créé cette page. « À l’époque, je réfléchissais à ce que je pouvais faire de plus, a dit Jen en expliquant comment est née l’idée de la page. Comme je souhaitais promouvoir la justice sociale, j’ai pensé à combiner deux de mes passions, soit la justice sociale et les chevaux. » C’est ainsi que le compte est né.

Seeing is believing

Jen Spencer avec Piper, son hongre thoroughbred (OTTB), qui a fêté ses 11 ans le jour de la Saint-Valentin.

Au début, Jen, cette Canadienne biethnique qui a passé les 17 dernières années de sa vie à exercer un sport à prédominance blanche dans le cadre duquel peu d’athlètes de couleur sont représentés, craignait que peu de gens s’abonnent à sa page. À sa grande surprise, la page a rapidement gagné des milliers d’abonnés en provenance du monde entier. « Toute cette expérience a été révélatrice pour moi, déclare-t-elle. J’ai été époustouflée par la réaction et l’engagement de groupes aussi diversifiés, dont des athlètes de polo du Kenya, des voltigeuses et voltigeurs du Danemark, des cavalières et cavaliers de couleur des États-Unis, des personnes de diverses origines ethniques, et d’autres qui ne font pas partie de la communauté équestre. »

Le compte n’est pas passé inaperçu. Il a offert, aux personnes abonnées ainsi qu’à la communauté en ligne, une plateforme de représentation des cavalières et cavaliers de couleur qui, à ce jour, n’existait pas au sein du sport équestre. « La représentation des cavalières et cavaliers de couleur ainsi que de tous les gens passionnés peut aussi devenir un symbole important de sensibilisation pour tous, explique Jen. Pour la cause de la justice sociale, voir, c’est non seulement croire, mais aussi se responsabiliser. » 

Et l’athlète est bien placée pour comprendre l’importance de la sensibilisation et de la représentation. « Mon but était de faire la promotion des cavalières et cavaliers de couleur, mais également de contribuer au développement de la prochaine génération, indique Jen. Si l’on peut montrer au public que les personnes de couleur sont déjà activement engagées dans le sport, ce n’est pas rien. C’est même primordial, parce que si les gens se voient à travers ces athlètes, ils se sentiront les bienvenus. » Jen est déterminée à contribuer à la croissance et à l’épanouissement de ce sport qu’elle aime tant. Elle croit que les espaces accueillants représentent un bon point de départ.

« Une ou un enfant de 10 ans qui participe à un camp d’été, comme je le faisais moi-même, et voit quelqu’un qui lui ressemble en train de suivre un entraînement de haut niveau pourrait être inspiré à faire de même », explique Jen. Pour elle, le partage de l’histoire est tout aussi important que la représentation. 

Seeing is believing

La page Instagram @blackequestrians compte 15 500 abonnés. Elle met en vedette des cavalières et cavaliers de couleur et vise à engager la conversation sur le thème de la justice sociale.

À mesure que la page s’est développée et que des relations ont été établies à travers le monde entier, Jen a pu élargir le champ du partage des connaissances de façons originales. « La culture noire est si étroitement liée aux chevaux que le thème semble inépuisable, explique-t-elle. Au début, je craignais de manquer de contenu à partager. Mais l’histoire est si riche! À titre d’exemple, j’ai appris qu’un quart des cow-boys de l’Ouest américain étaient noirs, et certains excellaient à monter à cheval, manier le lasso et garder les troupeaux. Et de nombreuses personnes noires ont dirigé des écuries à l’ère de l’esclavage. »

Les cavalières et cavaliers de couleur qui se sont abonnés à la page ont également partagé leurs parcours et leurs découvertes. Certains nous ont dit que leur lien avec les chevaux remonte à des générations. « C’est fascinant! », s’exclame Jen. 

Seeing is believing

Grâce à son travail en matière de sensibilisation et de modification des attitudes, la page a su retenir l’attention de diverses publications, y compris le magazine Horse & Style, qui a publié cet article.

Mais tout n’a pas été que positif. Sur les médias sociaux, certaines personnes se cachent derrière leur clavier pour exprimer leurs points de vue avec témérité, y compris des propos racistes. « Certains commentaires empreints d’ignorance et de mauvais goût ont été publiés, déclare Jen. Personnellement, c’était ma première expérience avec le mot en “n” parce que ce genre de racisme était rare dans les écoles que j’ai fréquentées. » Mais Jen ne s’est pas laissée atteindre et s’est montrée proactive dans sa façon de gérer le tout. D’ailleurs, elle estime que ce sont les personnes qui rédigent ce genre de commentaires qui sont perdantes.

À son avis, l’éducation occupe un rôle essentiel. « Les gens ne sont peut-être pas tout à fait conscients de ce qu’ils font, comme dans le cas des microagressions, explique-t-elle. Ce que je suggère aux gens, c’est d’apprendre à devenir des alliés et de créer un environnement accueillant, et ce, peu importe leur rôle au sein de l’industrie, du niveau organisationnel jusqu’à la sellerie. » 

Elle propose également d’adopter une approche axée sur l’action et de savoir tenir tête à celles et ceux qui se comportent avec ignorance ou indifférence. « Si vous êtes témoin de quelque chose, dites-le, a-t-elle poursuivi. Ne restez pas sans rien faire. Rappelez les gens à l’ordre. Et ils cesseront ces agissements. » Selon Jen, le fait de démontrer son engagement est simple. « Les gens veulent être traités avec respect et égalité. Traitez les gens comme vous souhaitez être traité, c’est aussi simple que cela. »

Le désir de passer à l’action, qui est à l’origine de la création de la page Black Equestrians, n’est qu’un début. La popularité du compte illustre bien comment le fait d’entreprendre des actions permet d’établir des relations. Et les relations entraînent des changements. Jen a prouvé que la formule peut être simple, mais non sans efforts. « La page est rapidement devenue plus populaire que ce à quoi je m’attendais. Avec tous ces messages, je n’arrivais pas à suivre le rythme, précise-t-elle. Malgré mon expérience avec les blogues et les médias sociaux, l’engagement requis était beaucoup plus grand que ce dont j’étais habituée. J’avais besoin d’aide pour ne pas perdre le fil. » C’est ainsi que deux femmes noires issues de la communauté équestre sont venues à sa rescousse pour gérer le compte. Toutes les trois se partagent la création de contenu, la gestion de données et la planification. « C’est formidable, cette diversité. Je suis en Ontario, Steph est en Colombie-Britannique et Maya est aux États-Unis. »

Sans surprise, Jen a choisi de faire carrière dans un domaine où elle peut venir en aide aux femmes et aux personnes de couleur de façon proactive. Après avoir étudié à l’Université de Toronto, elle a obtenu son permis de parajuriste, puis est entrée à la faculté de droit en septembre, où elle étudie en technologie et droit corporatif. Malheureusement, cela signifie qu’elle a dû placer en location son bien-aimé Piper, un hongre thoroughbred (OTTB) qui a fêté ses 11 ans le 14 février dernier. « Il me manque tellement en ce moment. J’adore ce cheval. »

C’est avec tout son cœur de cavalière que Jen espère voir la page grandir et ainsi encourager la création d’autres pages au profit de la diversité dans le sport. « Je suis très fière de ce que ce compte a permis d’accomplir. J’aimerais que d’autres personnes, comme des cavalières et cavaliers asiatiques par exemple, créent d’autres pages pour que la représentation soit plus grande, a dit Jen. Ce serait un grand bonheur pour nous de soutenir ces personnes et de les faire bénéficier de notre expérience. »

Pour l’instant, ses cogestionnaires et elle ont l’intention de continuer à partager des photos révélatrices et des messages inspirants et à modérer la page Black Equestrian par l’entremise de leur devise : « Faites le bien et soyez bons pour la communauté équestre. »