En 2021, Canada Équestre (CE) a lancé le projet pilote sur le serrage de la muserolle (projet pilote). L’objectif de ce projet était d’évaluer la proportion de serrage excessif et de dégager les tendances d’utilisation de la muserolle dans les concours équestres au Canada. Il a été démontré qu’une muserolle très serrée peut poser un risque important pour le bien-être du cheval, autant physique que mental. Le projet pilote visait aussi à évaluer l’utilité d’une mesure normalisée de la muserolle dans les concours équestres ainsi que la perception des enjeux liés à l’utilisation et à la mesure de cette partie de la bride dans l’industrie équine canadienne.

Les préoccupations croissantes en matière d’éthique équine à l’échelle internationale ont remis sous les projecteurs le serrage et la mesure de la muserolle. Des propositions de modifications aux règles de la Fédération Equestre Internationale (FEI) sur l’ajustement de la muserolle pour la saison de compétition 2024 ont d’ailleurs été publiées cet été. Le bon travail qui a été réalisé ici, au Canada, peut aider les athlètes de notre pays à mieux comprendre les enjeux soulevés avant même que des changements soient imposés par la FEI. 

Publications sur le projet pilote

Un livre blanc résumant le projet pilote a été rédigé. Il comprend des conclusions fondées sur des constats ainsi que des recommandations concernant d’autres mesures à prendre par l’industrie quant à la réglementation sur le serrage de la muserolle. Le rapport complet a été préparé par un groupe d’élèves de quatrième année en gestion des équidés à l’Université de Guelph à partir des données et des recherches du projet pilote mené au cours de la saison des concours de 2021.

Un examen par une tierce partie de tous les documents, enquêtes et évaluations recueillis a également donné lieu à la publication d’un article scientifique (en anglais seulement), Noseband Fit : Measurements and Perceptions of Canadian Equestrians (Ajustement de la muserolle : mesures et perceptions des athlètes du Canada) dans le numéro spécial de la revue Animals intitulé Advancing Equestrian Practice to Improve Equine Quality of Life (Faire progresser la pratique équestre pour améliorer la qualité de vie des chevaux) en octobre 2022. 

Étendue du projet pilote

Pour le projet pilote, un appareil de mesure appelé jauge a été utilisé. La jauge de l’International Society for Equitation Science (ISES) a été créée afin de normaliser la notion traditionnelle, mais subjective, de « deux doigts » (1,5 cm).

Vital Signs: Untightening the Question of Noseband Fit and Measurement

Pour ce faire, 19 commissaires bénévoles de cinq provinces canadiennes ont reçu une formation sur la bonne utilisation de la jauge, et ont pris un total de 551 mesures lors de différents événements tout au long de la saison de concours canadiens. Un peu plus de la moitié des mesures totales proviennent des concours de dressage, 22 % de la chasse et du saut d’obstacles et 11 % du concours complet. L’autre 14 % des mesures provient des sports de race, de l’attelage et de la voltige.

Les résultats ont montré qu’un peu plus des deux tiers des muserolles permettaient d’insérer la jauge ISES à partir du bas jusqu’à la marque de 1,5 cm. Selon la marque des « deux doigts » sur la jauge, 29 % des muserolles mesurées étaient trop serrées. 

Collecte des commentaires

Après le projet pilote, CE a distribué trois sondages aux membres de la communauté équestre afin d’évaluer leurs perceptions des enjeux liés à l’utilisation, l’ajustement et la mesure de la muserolle dans les concours. L’un des sondages a permis d’obtenir 1 528 réponses de titulaires d’une licence sportive de CE. Les personnes ont indiqué leur discipline et leur rôle dans le secteur, puis se sont prononcées sur les règles d’ajustement de la muserolle en vigueur et proposées, sur les risques pour le bien-être du serrage excessif, et sur les tendances et les facteurs influençant les décisions concernant la muserolle. Pour un résumé des résultats, veuillez consulter le livre blanc.

La plupart des personnes ayant répondu croient que le serrage excessif pose un risque pour le bien-être, une croyance partagée en plus faible proportion par les cavalières et cavaliers professionnels. La majorité des personnes sondées ont dit mettre une muserolle à leur cheval. Les trois raisons principales sont les suivantes : attentes de la discipline, exigence du concours, et contrôle ou sécurité. Selon un peu plus de la moitié des personnes sondées, le chanfrein est l’endroit approprié pour mesurer l’ajustement de la muserolle. Deux tiers des répondantes et répondants — mais une plus faible proportion de cavalières et cavaliers professionnels — estiment que la jauge ISES est un instrument de prise de mesure impartial.

Deux autres sondages ont été réalisés auprès des commissaires de CE : un pour les commissaires ayant participé au projet pilote, et un pour celles et ceux n’y ayant pas participé. En tout, 27 réponses ont été reçues, soit 16 des commissaires du projet pilote et 11 d’autres commissaires. Les questions portaient sur leur perception des risques pour le bien-être du cheval d’une muserolle trop serrée sur les sites canadiens, des règles d’ajustement en vigueur et proposées, de la jauge ISES et de son utilisation dans les concours (notamment, où et quand prendre la mesure, le cas échéant), d’une intégration potentielle à l’inspection globale du harnachement, et des préoccupations quant au confort du cheval et de l’athlète.

Les réponses étaient unanimes : l’ensemble des commissaires pensent que le serrage excessif de la muserolle pose un risque pour le bien-être, mais la plupart croient que ce problème ne concerne qu’un petit groupe d’athlètes. Alors que 60 % des commissaires croient que les règles en vigueur permettent de repérer les muserolles trop serrées, 40 % estiment que ce n’est pas le cas. D’ailleurs, 84 % sont d’avis que l’ajustement devrait être normalisé dans l’ensemble des disciplines. Un peu plus de la moitié des commissaires jugent que le recours à la jauge ISES devrait se faire à leur discrétion.

Ces trois sondages montrent qu’en général, l’industrie tend à se soucier des risques pour le bien-être posés par les muserolles trop serrées et considère qu’il serait bénéfique d’utiliser une forme de mesure normalisée. Dans l’ensemble, les conclusions tirées du projet pilote et des sondages indiquent que la population canadienne est de plus en plus préoccupée par le bien-être équin et sensibilisée à ce sujet — un élément essentiel compte tenu de l’intérêt grandissant du sport équestre envers ces questions à l’échelle internationale.

Après la publication d’une proposition le 28 juin 2023, la FEI a indiqué qu’elle envisage d’imposer des règles d’ajustement de la muserolle plus strictes en 2024, en mettant en œuvre un projet visant à favoriser l’adoption d’une forme de mesure normalisée pour remplacer la mesure des doigts. Cette modification, recommandée par la commission pour l’éthique et le bien-être des équidés de la FEI, comprendrait également l’élimination du concours et l’émission d’un carton jaune comme mesures destinées aux athlètes qui utilisent des muserolles trop serrées.

[TRADUCTION] « Puisqu’ils diffèrent en taille, “les doigts” constituent une unité de mesure subjective qui, par conséquent, ne permet pas d’obtenir des mesures uniformes du serrage de la muserolle », a expliqué la FEI. La Fédération espère qu’une proposition complète des modifications sera instaurée d’ici l’automne 2023.

CE appuie une autre recherche en cours avec la Dre Hilary Clayton, vétérinaire spécialiste pour chevaux, chercheuse et cavalière, intitulée The Effect of Noseband Tightness on Pressure of the Horse’s Face (L’effet du serrage de la muserolle sur la pression exercée sur le visage du cheval). Cette étude comprend la mesure d’une variété d’harnachements, y compris des muserolles de différentes largeurs, des muserolles françaises, des muserolles suédoises régulières, des muserolles combinées, et des muserolles allemandes. Les résultats et constats seront publiés plus tard cette année.

Si l’on souhaite faire progresser la pratique équestre et se préparer à d’éventuelles modifications des règles internationales, il faudra miser davantage sur l’éducation concernant les raisons qui justifient les mesures et le bon ajustement de la muserolle. Alors que le débat sur le serrage de la muserolle continue d’éroder l’acceptabilité sociale du secteur équestre, CE encourage les athlètes à approfondir leurs connaissances en lisant les deux publications et en appuyant d’autres recherches scientifiques sur ce sujet de même que sur d’autres questions entourant la santé et le bien-être des équidés. 

Animals | Free Full-Text | Noseband Fit: Measurements and Perceptions of Canadian Equestrians (mdpi.com)

Animals 2022, 12(19), 2685; https://doi.org/10.3390/ani12192685