Honte. Isolement. Peur.
Voici quelques-uns des éléments qui permettent aux abus et aux actes de violence sexuelle d’être tus. Des raisons pour lesquelles les victimes hésitent à se faire entendre ou à faire un signalement.
Les abus sexuels et la violence existent dans le sport. Une enquête conjointe publiée en février 2019 par CBC News et CBC Sports1 a mis en lumière des statistiques choquantes. Parmi elles, le fait qu’au moins 222 entraîneures et entraîneurs de sport amateur au Canada ont été reconnus coupables d’infractions de nature sexuelle au cours des 20 dernières années. Ces condamnations impliquent 600 victimes âgées de 17 ans ou moins.
Et ces statistiques ne représentent que la pointe de l’iceberg, selon Sandra Kirby, rameuse olympique et professeure de sociologie à l’Université de Winnipeg. Mme Kirby, qui étudie depuis des années les questions entourant les abus sexuels dans le sport a été interviewée dans le cadre du reportage. Elle explique que les agressions sexuelles constituent un type de crime très peu déclaré et estime qu’il pourrait y avoir des milliers d’autres cas qui n’ont jamais été rapportés.
Le sport équestre ne fait pas exception à la règle. Pendant longtemps, trop longtemps même, la voix des victimes n’a pas été entendue ou n’a pas reçu l’appui qu’elle aurait dû recevoir.
Selon We Ride Together, un organisme à but non lucratif fondé en 2021 aux États-Unis qui vise à faire la lumière sur le problème endémique des abus sexuels et de l’inconduite sexuelle au sein du sport équestre, la majorité des abus impliquent de la séduction et des leurres, des éléments aussi appelés « conditionnement ». Ainsi, les athlètes peuvent être forcés de se conformer parce qu’ils ou elles font confiance à la personne qui commet l’abus ou encore, par amour pour cette personne. L’acte d’abus semble alors consensuel bien que ce ne soit pas le cas.
Comme d’autres experts et organismes sportifs, We Ride Together soutient que les abus sexuels demeurent sous-déclarés au sein du sport équestre; les relations inappropriées entre les entraîneurs et entraîneures, ou d’autres figures d’autorité, et les athlètes d’âge mineur étant souvent un secret de polichinelle. Mais l’organisme réitère également que peu de victimes signalent ces abus aux autorités compétentes, évoquant les conséquences négatives, le doute de soi et le déni comme étant des éléments très répandus parmi les survivants et survivantes de même que les témoins, et qu’il faut parfois des années pour même reconnaître les abus.
IDans ses travaux, Dr Brené Brown, une chercheuse qui se penche sur la honte et la vulnérabilité, auteure de plusieurs livres, décrit ce qu’elle appelle l’émotion humaine la plus primitive. « La honte dépend de la croyance d’une personne du fait qu’elle est seule, indique-t-elle. La honte ne peut survivre une fois entendue. Elle ne peut survivre à l’empathie. »
Afin de créer un environnement sécuritaire pour les athlètes ainsi que pour les participants et participantes, la communauté sportive canadienne doit faire appel à son humanité. Il faut écouter, faire preuve d’empathie et agir. La honte doit être anéantie. Et un des moyens d’y parvenir consiste à s’assurer que les voix sont entendues et crues. Ainsi que d’être prêts et prêtes à en parler.
En tant qu’organisation, Canada Équestre (CE) s’est engagée à ouvrir le dialogue et à poursuivre le développement de l’éducation et des ressources visant à créer un environnement sécuritaire et respectueux, de même qu’à protéger cet environnement que méritent l’ensemble des personnes qui prennent part au sport équestre.
Il est d’une importance vitale pour tous les membres de la communauté équestre de se familiariser avec la Politique sur les abus, les Directives de protection de l’athlète et le Code de conduite et d’éthique de CE afin de s’éduquer sur les façons de reconnaître et de rapporter des incidents de maltraitance.
La formation sur le sport sécuritaire est maintenant obligatoire pour l’ensemble des titulaires de licence sportive, des entraîneurs et entraîneures, des bénévoles, des membres du personnel et des officiels et officielles. Toute personne qui souhaite dénoncer des abus peut s’adresser au processus indépendant mis en place par CE dans le but de recevoir les plaintes d’inconduite. Lorsque cela est nécessaire et justifié, les autorités sont appelées à intervenir.
En tant que communauté, nous devons normaliser le fait de parler ouvertement de ce qui n’est pas acceptable en matière de comportement. Nous devons également créer des espaces sécuritaires où l’empathie des chevaux peut être appréciée et où l’amour du sport et de la compétition peuvent s’épanouir. Les abus, le harcèlement et les mauvais traitements ne seront pas tolérés. La honte n’a pas sa place ici.
Vous n’êtes jamais seuls. Nous sommes à l’écoute.
1https://www.cbc.ca/sports/amateur-sports-coaches-sexual-offences-minors-1.5006609?cmp=newsletter-The+Buzzer+-+Monday+Feb+11+2019 (en anglais seulement)