Lors de l’une des premières soirées du Royal Agricultural Fair de 2022, Emily Gilbert et Greg Paull, les co-présidents du groupe consultatif sur la haute performance (GCHP) en concours complet, ont reçu le prix Jordan McDonald. Ce prix souligne la passion et le dévouement à l’égard de la discipline sportive du concours complet. Il est nommé en l’honneur de Jordan McDonald, un athlète canadien de concours complet, décédé en juin 2014 pendant les Nunney International Horse Trials, lesquels étaient tenu près de From, au Royaume-Uni.
Mme Gilbert et M. Paull ont été félicités pour le travail qu’ils ont accompli au cours de la dernière année en vue de restructurer et de revigorer le programme de haute performance en concours complet, notamment en dirigeant la levée de fonds « Pratoni, allons-y! ». Les fonds amassés ont aidé l’équipe canadienne de concours complet à se rendre aux Championnats du monde en Italie en septembre 2022.
Nous avons en la chance de rencontrer Mme Gilbert, d’échanger sur différents thèmes — dont le GCHP — et d’en apprendre plus sur son parcours, les motivations du groupe et les raisons de son succès au cours de la dernière année. Elle nous a même partagé quelques-unes de ses réflexions personnelles sur l’importance que le prix a à ses yeux et à ceux de son co-président.
Lorsqu’on lui a demandé comment elle a atterri dans le concours complet, Mme Gilbert, à l’image de beaucoup d’athlètes, a fait référence à son enfance. « J’ai toujours été incroyablement attirée par les chevaux et le sport équestre, a-t-elle dit. Quand j’étais jeune, je ne vivais que pour le Royal Winter Fair et pour voir Spruce Meadows à la télévision. Je saisissais toutes les occasions de sortir de la ville pour être avec des chevaux. »
Dans sa jeunesse, Mme Gilbert ne possédait pas de cheval, mais avait des demi-pensions sur des chevaux dressés dans différentes disciplines. Elle a éventuellement été jumelée à Joker, un cheval de concours complet, qu’elle avait l’intention de faire compétitionner en chasse et en saut d’obstacles. Toutefois, la personne à qui Joker appartenait l’a rapidement convaincue d’entraîner le cheval en cross-country pendant un séminaire. Ce jour-là, Mme Gilbert est tombée amoureuse de ce sport et, comme le veut le dicton, vous connaissez la suite.
Elle a ensuite emménagé à la Wolf Run Farm de Patricia Fitzgerald, à Caledon Est (Ontario), où, par coïncidence, un cavalier de l’équipe canadienne de concours complet, Karl Slezak, venait de s’installer avec ses chevaux de concours complet. « Un week-end, il avait besoin d’un groom, et il m’a demandé si je pouvais me joindre à lui, a raconté Mme Gilbert. J’ai finalement passé la majeure partie de l’été et de l’automne à l’assister dans les compétitions de concours complet à travers l’Amérique du Nord. C’est là que j’ai appris les tenants et aboutissants du concours complet, y compris les compétitions de la FEI. »
C’est M. Slezak qui a aidé la cavalière à dénicher son propre cheval de concours complet, « Phatima », avec qui elle a participé à des compétitions de niveaux inférieurs pendant ses études en neurobiologie à l’Université de Guelph. C’est à cette période qu’elle a fait la connaissance de plusieurs athlètes de haut niveau qui s’entraînaient et participaient à des concours au Canada pendant l’été. En bonne partisane de l’équipe, même à cette époque, elle a essayé de se faufiler autant que possible pour assister aux événements de la FEI et encourager les athlètes du Canada.
« J’étais là, en périphérie du sport, à m’impliquer comme je le pouvais, a déclaré Mme Gilbert. J’ai toujours essayé d’en apprendre le plus possible à propos du concours complet, au plus haut niveau. » Au cours des dernières années, pour préserver son équilibre en lien avec les exigences de son emploi à temps plein en tant que chercheuse pour l’Université de Toronto, elle a dû reconsidérer le temps qu’elle passait en selle. « J’ai mis l’accent sur le dressage et j’ai travaillé avec Shandiss McDonald, l’une des cavalières qui représentent le GCHP en concours complet. »
Son lien avec Mme McDonald s’est révélé très utile, car lorsque le nouveau groupe de haute performance a été mis sur pied, M. Winter et Mme McDonald ont réquisitionné l’aide de Mme Gilbert. « Ils m’ont demandé si j’étais intéressée à contribuer, en tant que passionnée du sport de concours complet au Canada, mais aussi en raison de mon expertise en communication et en marketing ainsi que de mes solides aptitudes en matière de réflexion critique en lien avec mes années d’expérience dans le domaine des sciences », a dit Mme Gilbert.
Dans sa candidature pour ce poste, elle s’est d’ailleurs qualifiée de « scientifique de la haute performance et cavalière amateur de concours complet ». Elle était enthousiaste à l’idée de s’impliquer et reconnaissante de la reconnaissance que lui témoignaient ces personnes représentant les athlètes. Compte tenu du temps, de l’énergie et des efforts qu’elle a consacrés au comité au cours de la dernière année, elle estime que cette expérience fut tout aussi exigeante que gratifiante.
« En rejoignant l’équipe en tant que membre sans droit de vote, mon objectif était d’améliorer la communication et de mobiliser les athlètes », a expliqué Mme Gilbert. Peu de temps après, le président, Greg Paull, a reconnu que le GCHP avait beaucoup à accomplir en peu de temps, et qu’il lui fallait donc plus d’aide. Il s’est dit que Mme Gilbert était la bonne personne pour ce faire et lui a demandé de prendre la coprésidence.
« Quand je regarde en arrière, j’admire sa pensée avant-gardiste, et je suis flattée qu’il m’ait vue comme étant à la hauteur de la tâche, a déclaré Mme Gilbert. Ce fut l’une des occasions les plus incroyables de ma vie. Pour moi, c’est aussi une façon très significative de redonner au sport et aux athlètes qui m’ont tant appris dans mon amour du sport équestre. »
Selon Mme Gilbert et M. Paull, la mise sur pied de l’équipe s’est révélée efficace sur le plan de la croissance. Le duo a d’ailleurs adopté une approche globale d’amélioration continue. « J’apprécie le fait que mon rôle est différent chaque jour, mais ce que j’aime le plus, c’est la résolution de problèmes », a expliqué Mme Gilbert, en lien avec la façon dont sa méthodologie lui a été utile ainsi qu’au groupe.
« J’essaie de présenter cette méthode scientifique à l’équipe lorsque nous parlons de ce qui fonctionne, de ce qui pourrait mieux fonctionner et de ce qui doit être entièrement revu. Nous élaborons un plan, nous réfléchissons aux meilleures options, nous mettons en œuvre ce plan, puis nous regardons ce qui a fonctionné ou pas, avant de peaufiner le tout, encore et encore! »
Le co-président, M. Paull, apporte ses connaissances et son expérience à la barre en tant qu’ancien cavalier en concours complet de haut niveau, gestionnaire de l’équipe de concours complet pour les Jeux olympiques de 2004 à Athènes et gestionnaire de l’équipe de concours complet et chef d’équipe pour les Championnats du monde de 2006.
Il est clair que M. Paull et Mme Gilbert sont complémentaires. « Dès notre première réunion, j’ai éprouvé un grand respect envers Greg en raison de sa capacité à être très méthodique, explique Mme Gilbert. Il réfléchit aux problèmes de long en large, de même qu’à la façon dont chacune de nos décisions aura une incidence sur le personnel de soutien, les chevaux, notre relation avec CE et surtout, bien entendu, les athlètes. Grâce à lui, j’ai beaucoup appris sur mon rôle de co-présidente. Nous nous vouons un profond respect. »
Ensemble, le groupe a dynamisé la haute performance en concours complet et favorisé son développement au Canada, dans l’espoir d’en assurer la pérennité. Mme Gilbert est allée plus loin en indiquant : « Je pense que nous sommes tous et toutes enthousiastes à l’idée d’en faire un programme stratégique, intelligent et prolifique qui appuie l’ensemble des parties prenantes, y compris les athlètes, les grooms, les propriétaires, et la communauté partisane! »
L’une des grandes réalisations du GCHP a été l’initiative « Pratoni, allons-y! », qui a permis à une équipe canadienne de participer aux championnats mondiaux en Italie en septembre. La co-présidence a vraiment le sentiment que cet objectif collectif a permis de souder le groupe. « Je pense qu’en tant que comité, notre capacité à nous unir et à nous comporter avec professionnalisme tout en nous amusant à travers ce processus s’est révélée notre plus grand atout en lien avec ce que nous avons accompli. »
La collecte de fonds a connu une vague d’enthousiasme lorsque la donatrice Kelly McCarthy-Maine et le donateur Shane Maine ont décidé d’appuyer le Canada et l’élaboration du programme. « L’impact a été énorme, a dit Mme Gilbert. Mme McCarthy-Maine et M. Maine croient sincèrement en notre vision. Leur don nous a permis d’atteindre notre objectif. Et ils continuent d’appuyer la haute performance en concours complet d’une façon incroyable. »
Mme Gilbert admet que l’une des questions qu’on lui pose souvent concerne les résultats de l’équipe à Pratoni, celle-ci n’ayant pas été en mesure de se qualifier pour les Jeux olympiques. « Je suis convaincue que pour faire avancer le programme de haute performance, nous devons pouvoir nous rendre dans des environnements et des compétitions de championnat afin d’y travailler en équipe. La façon dont tous ces éléments s’imbriquent les uns dans les autres est cruciale pour générer les résultats concurrentiels que nous visons. »
« Les pays qui ont amélioré leur performance jusqu’à se hisser aux premiers rangs ne l’ont pas fait en restant chez eux. Ils sont allés sur le terrain et, lorsque les résultats obtenus ne correspondaient pas à leurs attentes, ils ont saisi l’occasion d’apprendre, d’évoluer et de se perfectionner. »
Mme Gilbert est d’avis que ces résultats intangibles constituent une base importante sur laquelle il faut s’appuyer en vue des prochains concours. Elle estime que la dynamique très fonctionnelle du groupe en Italie, tant en ce qui concerne les athlètes que les grooms et le personnel de soutien, était un de leurs points forts. De plus, le soutien des propriétaires, des familles et des adeptes du concours complet canadien s’est révélé un atout énorme, tant pour les athlètes que pour le programme.
« Nous avions l’un des plus grands groupes de propriétaires et de partisans et partisanes, tout pays confondu. Ce niveau d’énergie était inestimable, a-t-elle expliqué. Les propriétaires constituent une pièce essentielle du casse-tête qu’est la compétition. Ces personnes font un acte de foi, croient aux athlètes et font avancer les choses sur le plan financier. Elles méritent toute notre reconnaissance et notre appréciation. Il faut les célébrer aussi souvent que possible. »
La communauté de concours complet estime que la réussite du groupe est en grande partie attribuable au leadership de Mme Gilbert et de M. Paull. D’ailleurs, le prix Jordan McDonald en est la preuve. Mais pour Mme Gilbert, ce prix voulait dire beaucoup plus.
« C’est très difficile pour moi de mettre des mots sur cette expérience, a-t-elle expliqué. Au bout du compte, le fait de recevoir ce prix en l’honneur de Jordan me touche énormément, car j’avais beaucoup de respect pour lui en tant que cavalier, concurrent et, surtout, ami très proche. Il m’a grandement soutenu en tant que cavalière. Il est parmi les personnes les plus drôles et les meilleures que j’ai jamais rencontrées. »
À l’époque où Mme Gilbert apprivoisait le sport à titre de groom et de concurrente, M. McDonald était toujours là pour lui offrir des conseils réfléchis et réalistes au sujet du sport et de la vie. Ses conseils ont donc servi de fil conducteur aux décisions de la co-présidente concernant l’élaboration du programme de haute performance.
Elle a pu partager ces sentiments avec la mère de M. McDonald juste avant la remise du prix au Royal. « Je lui ai dit que l’approche de Jordan, qui était très axée sur les chevaux, ainsi que sa capacité à se frayer un chemin à travers les politiques, à surmonter les complexités, à prendre de vraies décisions et à avoir des conversations authentiques avec les gens, sont des éléments qui m’ont toujours inspirée. »
M. Paull et Mme Gilbert éprouvent beaucoup de gratitude face à cette reconnaissance et remercient la famille McDonald de leur avoir offert la coprésidence. « Cette reconnaissance me donne l’impression que nous progressons et changeons les choses, et c’était notre principal objectif », a poursuivi Mme Gilbert.
Chef d’équipe Rebecca Howard et Emily Gilbert
Source : Cealy Tetley
Avec la fin du Royal et la célébration des réussites de l’année écoulée, le groupe se tourne maintenant vers l’avenir. Il œuvre à mettre sur pied un petit groupe de travail qui se concentrera sur le développement, y compris, mais sans s’y limiter, sur les jeunes chevaux de concours complet et les jeunes athlètes, en plus d’appuyer le bassin actuel d’athlètes, de chevaux et de propriétaires. Un sous-comité de collecte de fonds sera également créé afin de rendre le Canada plus compétitif sur la scène mondiale. Le sous-comité souhaite pouvoir offrir des bourses pour aider les athlètes à acquérir davantage d’expérience à l’étranger.
Les objectifs d’apprentissage, de formation et d’amélioration du groupe sont appuyés par le plan technique chapeauté par Rebecca Howard, chef d’équipe de Pratoni. Une partie de ce plan comprend des journées d’entraînement en équipe, rassemblant des athlètes, des entraîneurs et entraîneures, le GCHP, des propriétaires, des grooms ainsi que des partisans et partisanes, en une communauté canadienne de concours complet soudée, positive et solidaire.
Il s’agit aussi d’attirer l’attention sur les Jeux panaméricains et les Jeux olympiques, et de consacrer des ressources pour envoyer des équipes canadiennes aux Coupes des nations à Bromont, au Royaume-Uni et en Europe l’an prochain.
Fidèle à elle-même, Mme Gilbert a fait part de l’engagement du groupe à l’égard de l’amélioration continue. « En vrai, l’évolution est infinie, a-t-elle dit. Et nous continuerons sur cette voie, en testant de nouvelles approches et en recueillant les commentaires en cours de route. Nous nous efforçons d’accroître le soutien offert aux athlètes du Canada, de faire en sorte que les choses se déroulent efficacement et, à mesure que l’enthousiasme va en grandissant, de bâtir une équipe à plusieurs niveaux. C’est tellement motivant! »
L’entrain est donc palpable et, malgré le travail qui les attend, Mme Gilbert, M. Paull et toutes les autres personnes impliquées dans le programme de haute performance en concours complet de CE ne semblent pas vouloir ralentir le rythme. La co-présidente s’est d’ailleurs empressée de partager les éloges quant au travail accompli jusqu’à présent. « L’ensemble des membres du GCHP méritent une grande reconnaissance, et le prix McDonald leur revient aussi. »
Puis, elle a enchaîné avec les éléments qui expliquent la réussite du groupe et le plaisir d’en faire partie. « Qu’il s’agisse d’un appel téléphonique à 7 h du matin ou d’une séance de remue-méninges, d’un échange enrichissant pendant une réunion de planification ou d’une interaction en personne, chaque membre de ce groupe a su relever le défi. Nous sommes toujours prêts et prêtes à nous prononcer ou à appuyer la cause. Les membres du groupe ont fait preuve de beaucoup de sérieux et d’efficacité. Ce sont des personnes de grande valeur. »
La scientifique passionnée a tiré satisfaction et joie de cette collaboration et de son devoir de travailler à ce que leurs propos et leurs rêves se réalisent. Mme Gilbert s’est exclamée : « Je suis si choyée! Je le dis tout le temps à mes collègues du laboratoire, à mes camarades et aux membres de ma famille qui évoluent à l’extérieur du monde équestre; c’est la première fois que je me sens aussi inspirée et appuyée par un groupe de personnes. »
À l’image du regretté M. McDonald, le groupe établit de véritables liens et ses membres travaillent ensemble à surmonter les complexités rencontrées, par l’entremise de consultations et de discussions. Et cette approche semble non seulement fonctionnelle, mais aussi stimulante.
« Ce défi me remplit d’énergie et je sais que ce sera encore le cas dans les années à venir. »