Étant positif, j’ai réfléchi à ce que l’équipe canadienne de paradressage a réussi à accomplir en ces temps plutôt étranges et difficiles, et surtout à la façon dont nous pouvons faire des améliorations en matière de pointages de dressage qui ont un impact sur nos performances sur la scène mondiale sans le budget dont disposent les autres pays et avec les défis que représentent les athlètes vivant à des milliers de kilomètres les uns des autres.
En plus de qualifier une équipe pour les Jeux paralympiques de Tokyo 2020, le Canada a réussi cette année à envoyer des athlètes de paradressage à quatre compétitions internationales différentes et continue de montrer que nous nous améliorons sur la scène mondiale. Deux athlètes ont obtenu les meilleurs pointages de leur vie et deux autres ont obtenu des pointages plus élevés qu’ils ne l’avaient fait depuis plusieurs années. Je ne m’intéresse pas tant aux classements réels (bien que les rubans soient toujours un excellent rappel des succès passés); nous utilisons plutôt les pointages en percentile pour faire des comparaisons et vérifier les améliorations.
Les sports comme l’athlétisme ou le cyclisme partent d’un principe simple : pour gagner, il faut être plus rapide que ses adversaires. Cependant, le dressage est subjectif, car les pointages sont basés sur l’opinion d’autres personnes. Pourtant, au cours de plusieurs compétitions, il est possible de démontrer des améliorations de manière méthodique et calculée. Donc, dans cette chasse à la fois à la réussite personnelle interne et à la réussite externe par le biais de pointages élevés, comment pouvons-nous créer un système qui prouve noir sur blanc la réalité? En étudiant les données statistiques, nous pouvons trouver des faits visibles dans un sport subjectif.
En tant qu’entraîneur, je commence par ce mantra selon lequel je prends note de ce qui est dit quand un juge soulève une préoccupation ou remarque quelque chose et j’y réfléchis, mais je ne change pas nécessairement le programme. Ce n’est qu’au moment où trois juges différents, qui étaient tous assis dans la même position de jugement, font la même observation à trois occasions différentes que je revois vraiment mon programme d’entraînement afin de l’améliorer. Je constate que si trois juges différents ont remarqué la même chose sur une certaine période, cela démontre une tendance plutôt que l’opinion d’une seule personne.
Maintenant, les pointages comme tels :
Si les athlètes obtiennent un pointage de 67%, ils se retrouveront souvent au milieu du classement, alors qu’un pointage de 72% vous place souvent plus près du podium. Une épreuve de 67 % est basée sur une note moyenne de 6,7 par mouvement avec trois juges. Cela pourrait signifier que deux juges obtiennent une note moyenne de 6,5 par mouvement, tandis qu’un juge obtient une note de 7. Il est évident qu’une épreuve de 72 % montre une augmentation de 5 % de la note globale, et pourtant cela ne représente qu’une note moyenne de 7,2. Cela pourrait signifier que deux juges ont obtenu une note de 7,5 et qu’un autre a obtenu un 7, ce qui ne représente qu’une augmentation de 0,5 point par mouvement!
En ramenant les pointages à de minuscules objectifs réalisables tels qu’une augmentation de 0,5, le podium peut soudainement être beaucoup plus proche qu’il semblait l’être à première vue – ce qui nous donne plus de motivation et de confiance dans nos performances. Quand nous analysons les pointages du podium sur la scène internationale, les équipes nationales peuvent gagner avec une marge très étroite. Aux Jeux paralympiques de Rio 2016, les cinq premières équipes étaient séparées par moins de neuf points, chaque équipe étant composée de trois combinaisons cheval-cavalier. Cela représente une moyenne de 2,9 points (et non des pourcentages) par athlète dans les cinq premières équipes!
Le système de Canada Équestre (CE) signifie que nous croyons à l’amélioration de la moyenne. L’étude des sommets et des creux d’une épreuve en examinant les notes de mouvement individuelles nous montre nos forces et nos faiblesses. Certains athlètes voient les notes les plus élevées et s’efforcent de les améliorer, en faisant monter la moyenne depuis le sommet, tandis que d’autres athlètes s’attaquent aux notes les plus basses, en faisant monter la moyenne en améliorant les zones les plus faibles. D’après mon expérience, je crois qu’il est plus facile de transformer un 6,5 en 7 qu’un 8 en 8,5.
Bien sûr, dans les épreuves de paradressage, plusieurs des mouvements ont un coefficient de deux, ce qui signifie qu’il y a des doubles notes :
- Avec un seul juge, 10 points disponibles se transforment en 20.
- Avec trois juges, 30 points disponibles se transforment en 60.
- Avec cinq juges dans un championnat, 50 points disponibles se transforment en 100.
Donc, encore une fois, si nous regardons une amélioration marginale d’un point par juge et par mouvement :
- Avec un seul juge, 6 points deviennent 12, mais 7 points deviennent 14 (une augmentation de deux points par rapport à 12).
- Avec trois juges, 6 points se transforment en 36, mais 7 se transforment en 42 (une augmentation de 6 points par rapport à 36)
- Avec cinq juges, 6 notes se transforment en 60, mais 7 se transforment en 70 (une augmentation de 10 notes par rapport à 60).
L’analyse de cette situation montre comment un mouvement avec un coefficient peut réellement influencer un pointage et faire la différence entre une médaille et la quatrième place. Tout athlète peut-il se permettre de ne pas répéter et améliorer chaque mouvement, surtout avec ce genre de points en jeu?
Chez CE, tous les athlètes du programme d’équipe nationale de paradressage doivent soumettre leurs fiches de pointage dans une base de données centrale où les résultats sont conservés. Non seulement le pourcentage final est enregistré, mais chaque composante du mouvement est aussi enregistrée. Après l’enregistrement de trois épreuves au même niveau, nous pouvons commencer à voir les forces et les faiblesses de chaque composante du mouvement de chaque épreuve. Découvrir les faiblesses peut être considéré comme une critique ou de la négativité en entraînement, ce que je n’aime pas en tant qu’entraîneur. Cependant, si vous considérez ces moyennes comme une base de référence, cela démontre le point de départ à partir duquel nous évoluons.
En tant que responsable technique, comment analyser les fiches d’épreuve de dressage et chercher à les améliorer? Pour commencer, en paradressage, les épreuves techniques internationales peuvent comporter entre 21 et 36 composantes du mouvement. Il est évident qu’il est impossible d’améliorer rapidement 36 séries de points, alors je commence par lire l’analyse d’ensemble à la fin de la fiche pour voir s’il y a des faiblesses ou des points forts que les juges voient. Ensuite, je lis les commentaires de l’épreuve pour voir si les juges répètent des mots ou des déclarations. Après avoir effectué trois épreuves au niveau international, nous créons un graphique pour chaque épreuve. Il devient de plus en plus facile de faire figurer les résultats d’autres athlètes avec les mêmes juges au-dessus des notes de chaque athlète canadien pour voir où ils se situent devant ou derrière le vainqueur.
Une fois que ce graphique a été créé, nous disposons de données concrètes que nous pouvons améliorer. Ces graphiques démontrent à chaque athlète le besoin d’amélioration montrent de manière concrète où les points peuvent être gagnés, en éliminant le potentiel de défensive que les notes et les commentaires des juges peuvent parfois provoquer. Les graphiques sont affichés à l’écran en noir et blanc, ne laissant aucune place à la discussion sur les points faibles de chaque épreuve.
Avec les données enregistrées dans une base de données centrale, nous pouvons créer tous les graphiques que nous souhaitons. Nous pouvons montrer une seule catégorie pour chaque athlète, en traçant les points de données pour tous les juges. Nous pouvons ajouter le pointage global comme une moyenne, montrant où les athlètes se sont élevés au-dessus ou sont tombés en dessous, ou nous pouvons ajouter les pointages moyens des meilleurs athlètes du monde, montrant à quel point nous sommes proches du podium par mouvement ou par catégorie.
Toutes les parties concernées, non seulement les athlètes et le personnel d’entraînement, mais aussi le vétérinaire de l’équipe, le sellier et le physiothérapeute humain et équin, ont accès à ces informations pour soutenir les performances de l’équipe et l’acquisition de compétences. Ces graphiques sont envoyés très rapidement afin qu’un plan puisse être créé pendant que l’information est encore fraîche dans l’esprit de chacun. Dans certains cas, des ajustements peuvent être effectués du jour au lendemain pendant une compétition afin d’améliorer les résultats du lendemain. Même avec les restrictions liées au coronavirus (COVID-19), nous avons amélioré les résultats grâce à la technologie : J’ai regardé les compétitions internationales du Royaume-Uni en direct avec un juge international de paradressage et j’ai ensuite transmis mes observations à l’entraîneur sur place. Nous avons ensuite travaillé en tandem pour décider de la quantité d’informations pertinentes à remettre à l’athlète sous pression.
L’un des défis que doivent relever les athlètes canadiens est que nous avons un accès limité aux compétitions par rapport aux athlètes européens. Cela signifie qu’il est beaucoup plus difficile de comparer des résultats similaires. En générant des données à partir des compétitions individuelles, nous pouvons voir comment les athlètes canadiens se seraient comportés avec les mêmes juges dans les compétitions européennes et commencer à étudier les tendances en matière de jugement.
Une fois qu’une faiblesse particulière a été identifiée dans une performance, l’équipe de soutien de l’athlète peut commencer à travailler sur des améliorations : L’intervention de l’entraîneur peut déterminer si l’athlète comprend correctement le mouvement et l’entraîneur peut alors créer un plan d’entraînement pour combler l’écart de faiblesse. Les juges peuvent être amenés à expliquer spécifiquement où les points dans le mouvement peuvent être obtenus. L’entraîneur de cheval peut aussi monter le cheval plus efficacement en se concentrant sur la facilitation des mouvements problématiques par l’éducation, la confiance dans les aides et la force musculaire. Au fil du temps, le vétérinaire de l’équipe peut analyser la nécessité d’une intervention vétérinaire pour améliorer les performances. Le sellier peut vérifier spécifiquement s’il y a une restriction de mouvement pendant un mouvement particulier. Un physiothérapeute peut travailler avec l’athlète loin du cheval pour améliorer la confiance dans le mouvement, la stabilité et la souplesse du tronc, et pour voir si le poids de l’athlète se déplace de manière significative pendant un virage ou un mouvement particulier. Un entraîneur en performance mentale de l’équipe est aussi inclus afin que nous puissions alléger certains nerfs et certaines peurs face à un mouvement en utilisant des techniques de respiration et d’imagerie pour améliorer la concentration et la confiance.
Merci de rester avec moi pour apprendre un peu sur la façon dont nous utilisons les données statistiques dans la poursuite du podium de l’équipe canadienne de paradressage. J’espère que vous vous joindrez à moi le mois prochain pour découvrir comment cette analyse de données s’inscrit dans les profils de médailles d’or, la stratégie globale de CE pour le succès de la haute performance!
Sincèrement,
Clive Milkins
Conseiller technique du programme de haute performance en paradressage
Entraîneur de dressage haute performance 1 certifié CE/PNCE